Sur le circuit ITF, des joueurs venus du monde entier survivent grâce à des stratégies invisibles : colocations à 6, tournois ciblés, entraide. Une réalité cachée du tennis professionnel.

“On vit à six dans 40 m²”
Colocations de fortune, chambres partagées à l’étranger ou Airbnb à la dernière minute : la logistique devient un art de vivre pour les joueurs ITF. “À Monastir, on était six dans un deux-pièces. Y’avait deux matelas au sol, un canapé, et on tournait pour cuisiner”, raconte un joueur classé autour de la 1200e place.
L’objectif est clair : réduire au maximum les coûts. À 300-500€ la semaine de tournoi (frais, logement, repas), il faut gratter partout. Certains mutualisent leurs lessives, achètent à manger ensemble, ou profitent des buffets des hôtels… sans y dormir.
L’art du bon calendrier
Tous les tournois ne se valent pas. Dans les groupes WhatsApp entre joueurs circule une précieuse information : où aller, où ne pas aller. “Si t’es en Espagne ou en Égypte, t’as plus de tournois accessibles, et t’évites des frais de visa. Tu peux même rester plusieurs semaines au même endroit”, explique James McGee, joueur irlandais.
Les destinations à fuir ? “Certains tournois en Europe de l’Est imposent des hôtels partenaires à prix gonflés. Et parfois, l’organisation est floue. Pas de transport, peu d’eau sur site…” Résultat : les plus expérimentés choisissent leur calendrier autant selon les conditions sportives que logistiques.
Jouer les tableaux les moins remplis
Sur le circuit ITF, l’un des secrets les mieux gardés consiste à scruter minutieusement les listes d’entrée des tournois à venir, disponibles sur le site officiel de l’ITF. En surveillant les semaines où plusieurs événements se chevauchent, certains joueurs identifient des tournois situés dans des zones éloignées ou mal desservies — des endroits que les têtes de série évitent.
« Tu repères les endroits où les mecs ne veulent pas aller, genre au fin fond de la Serbie ou d’un pays d’Afrique. Moins de monde, moins de points à défendre, plus de chances de passer des tours », confie anonymement un joueur dans un forum du site Talk Tennis.
Cette lecture stratégique du calendrier permet non seulement de grappiller des points ATP ou WTA, mais aussi de rentabiliser un déplacement en cas de victoire. En contournant les circuits les plus densément fréquentés, ces joueurs maximisent leurs chances sans forcément affronter des adversaires mieux classés. Un jeu d’optimisation… dans l’ombre.
Vivre en marge, jouer sans filet
Le circuit secondaire, c’est une économie parallèle faite de trocs, de coups de pouce, de débrouille. Raquettes revendues entre matchs, covoiturages à l’arrache, cours donnés à des amateurs entre deux entraînements… Ici, tout se monnaye, se partage, s’invente. Hors des radars officiels, ces stratégies de survie racontent une chose : le talent seul ne suffit pas. Il faut aussi savoir naviguer, ruser, tenir.
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