À 24 ans, Mathis Epée, ancien espoir du tennis français, revient sur son parcours sur le circuit secondaire, marqué par la solitude, l’absence de staff et une pression mentale constante.

Un ancien espoir en rupture avec le circuit
Mathis Epée, 24 ans, originaire de Poitiers, a longtemps incarné l’un des grands espoirs du tennis français. Vice-champion de France en 2013, passé par le pôle espoir du TC Val Vert, il a évolué à haut niveau dans les catégories jeunes. Il a notamment battu plusieurs joueurs aujourd’hui classés dans le top 900 mondial. Mais malgré son potentiel, il a fini par dire stop. Usé par l’isolement, la charge mentale et les contraintes financières, il a mis fin à sa carrière sur le circuit secondaire.
Gérer l’entraînement, les trajets, le budget… seul
Sur le circuit ITF, rares sont ceux qui peuvent s’offrir un staff. Pour Mathis, tout reposait sur lui. “Tu gères les entraînements, la prépa physique, la bouffe, la logistique, les déplacements… c’est une énorme charge mentale.” Ses journées étaient millimétrées, ses ressources limitées. Trouver un logement, un partenaire pour taper, ne pas exploser son budget : chaque détail était un défi.
Il passait 25 à 30 semaines par an seul, loin de ses proches. “C’est énorme. Et tu dois garder le cap malgré tout. Tu n’as pas le droit de décrocher.”
La solitude sur le court, un poids invisible
Sans entraîneur en match, il naviguait à l’instinct. “Tu fais ce que tu peux, avec le tempo, l’expérience. Mais dans l’effort, c’est dur d’avoir du recul.” Jouer sans regard extérieur, sans soutien, dans des stades vides… “Tu dois te motiver tout seul. Ça m’a fait perdre des matchs, c’est sûr.”
Et puis il y a le vide. “On joue souvent devant personne. T’as zéro impulsion extérieure. Il faut tout puiser en toi. »
Une double vie difficile à tenir
Au début, pour financer ses déplacements, Mathis a travaillé dans un bar. Puis il a reçu un coup de pouce familial. “Mais à ce niveau-là, tu dois être à 100 %. Tu ne peux pas être partout. Je donnais aussi des cours, mais ça ne suffit pas.”
Même sur ses jours de repos, impossible de couper. “Tu penses aux dépenses, aux tournois, à tout organiser. Tu ne te reposes jamais vraiment. Mentalement, tu restes sous tension permanente.”
Jusqu’à la rupture
Au bout de trois ans, son corps et sa tête ont dit non. “J’ai explosé. Tu t’entraînes par automatisme. Tu ne vis plus, tu survis. Le plaisir disparaît.”
Il n’a jamais cessé d’aimer le tennis. Mais il n’avait plus la force de continuer dans ces conditions.
« Il y a trop d’argent en haut, et rien en bas »
Aujourd’hui, il veut faire passer un message. “Il y a beaucoup d’argent dans le tennis, mais il est très mal réparti. C’est l’un des pires sports à ce niveau. Beaucoup ont le niveau, mais pas les moyens.”
Et aux jeunes joueurs qui rêvent d’une carrière pro, il dit ceci : “Pose-toi la question : est-ce que t’aimes vraiment ce sport ? Entoure-toi. Et sois prêt à tout donner. Mais fais-le en conscience. Rien ne tombe du ciel.”
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